Adaptation

Comment la flexibilité et la sobriété des usages sont-elles envisagées dans les CdE aux niveaux collectif et individuel ?

Consommer au moment où ses panneaux PV produisent permet 1) d’avoir une électricité gratuite, au niveau individuel  2) de contribuer à l’équilibrage local du réseau (à Bruxelles cet intérêt est très relatif). Les ménages qui ne possèdent pas de PV n’ont aujourd’hui pas d’intérêt, même environnemental, à consommer aux heures solaires. En effet, vu la part marginale de la production photovoltaïque à Bruxelles, sans augmentation de la production locale solaire, on aurait en région bruxelloise un surplus d’émissions CO2 de 1,7 % par kWh (voir les calculs effectués au sein de Pilone1). Cela souligne toute l'importance des CDE comme levier pour inciter à plus de production renouvelable.

Dans l’une des premières étapes de leurs expérimentations, l’Échappée a réalisé un travail sur la priorisation des usages électriques c'est-à-dire sur leurs perceptions des appareils qu’ils jugeaient être de l’ordre du « confort » ou à l’inverse ceux considérés comme « indispensable » mais aussi sur la possibilité de déplacer ces appareils en journée, au moment où les PV produisent. Pour ce faire, ils ont réalisé une enquête individuelle au sein de leurs ménages où ils ont rempli différentes données dans un tableau qui contenait différents paramètres : heure de l’usage, indispensable/utile/confort, consomme peu/moyen/beaucoup, durée d’usage, répétition hebdomadaire, déplaçabilité, alternative et estimation de la consommation annuelle (kWh). La discussion autour de ces tableaux et ordonné par type d’appareils a suscité des réflexions sur la possibilité de déplacer certains usages en journées, aux heures où les PV produisent. Une des idées qui est apparue, est la possibilité de mutualiser certains usages comme la préparation du pain où les habitants pourraient utiliser, un seul four, celui des communs pour cuire leurs pains. Mais cela demande évidemment de l’organisation.

Dans le cas de la CdE de Ste-Anne, il y a relativement peu de place à la flexibilité des usages. Du côté de l'école, il n'est pas forcément aisé de déplacer ses consommations. L'école est occupée à des heures et des jours précis et inoccupée à des moments de l'année que l'on peut difficilement faire bouger. C'est bien la raison principale du choix de partenaire de l'Institut Sainte-Anne : puisque l'excédent de production photovoltaïque que l'école ne peut absorber elle-même est le plus important en été, lors des grandes vacances, il fallait impérativement trouver un partenaire qui, lui, pourrait à coup sûr absorber cet excédent et ainsi consommer de cette électricité verte excédentaire. D'où le choix du traiteur du quartier avec ses frigos et systèmes de refroidissement qui tournent toute l'année. Par ailleurs, la capacité de flexibilité du traiteur est également limitée étant donné que son rythme de travail et donc de consommation est fort contraint par des éléments extérieurs et donc peu flexible. En résumé, l'objectif était de trouver un profil de consommation complémentaire à celui de l'école pour éviter que l'école et le traiteur doivent faire un important effort de synchronisation de leur production et consommation.

Au Coin du Balai, une série d’appareils de mesure flukso ont été installés chez une dizaine de ménages dont la plupart sont pourvus d’installations photovoltaïques. Un premier constat que nous pouvons faire, c’est qu’au sein de certains de ces ménages, le fait de pouvoir mieux comprendre sa consommation en observant les courbes de consommation et de production fournies par les appareils de mesure a changé certaines habitudes en déplaçant autant que possible leur consommation au moment où leurs panneaux photovoltaïques produisaient, c'est-à-dire en journée. Par exemple, pour une des habitantes, celle-ci à déplacer le chargement de l’ensemble de ces appareils électriques pourvu d’une batterie (téléphone portable, ordinateurs, batterie de vélo…) en journée pour s’aligner le plus possible à la courbe de production de ses PV ce qui n’était pas le cas avant. Pour un autre habitant, celui-ci a décidé de faire fonctionner certains de ces appareils électriques (machine à laver, lave-vaisselle…) en journée alors qu’ils les actionnaient plutôt le soir.

Dès lors, le fait de pouvoir bénéficier d’un appareil de mesure qui permet de pouvoir observer ce que l’on consomme, produit et réinjecte sur le réseau et d’une certaine manière le fait de « visibiliser » sa consommation et sa production d'électricité a induit un changement dans les habitudes de consommation chez certains qui tentent d’adapter leurs consommations au moment où leurs PV produisent. Ensuite, à un niveau collectif, la communauté d’énergie du Coin du Balai développe une expérimentation qui cherche à démontrer qu’en cas de perturbation de l’approvisionnement électrique et d’un risque de coupure d’électricité, la communauté d’énergie étendue au niveau du quartier est capable au moyen d’un signal collectif, de réaliser un effort collectif pour limiter leurs consommations et ceci à titre d’exemple pour montrer qu’il est possible d’éviter dans ces moments de pénurie d’électricité, l’allumage d’une centrale à gaz qui a un impact environnemental considérable. En d’autres termes, les explorateurs de la communauté d’énergie du Coin du Balai voudraient analyser la flexibilité des ménages face à la menace de limitation d'approvisionnement électrique au sein d'une portion du quartier.

De manière générale, on constate que le partage d'énergie constitue un moyen de susciter la réflexion, voire l'action chez les membres des Cde pour qu'ils soient plus "flexibles" dans leur consommation. Par ailleurs, la capacité d'une Cde à synchroniser la consommation de ses membres avec la production d'électricité dont elle dispose est proportionnelle au nombre de membres de la Cde. En effet, au plus le nombre de membres est grand, au plus l'effort de flexibilité est réparti et au plus une complémentarité des profils est susceptible d'émerger.

De plus, la prise en main des moyens de production par les CdE et la proximité géographique entre ses moyens de production et ses membres suscite l'espoir de faciliter la flexibilité individuelle et collective.

 

Comment la sobriété des usages est-elle envisagée dans la CdE aux niveaux collectif et individuel ?

L'intérêt spontané envers sa consommation d'énergie est très variable d'une personne à l'autre. Quand cet intérêt existe ou émerge, il peut avoir des origines multiples (économique, environnemental…), mais il débouche rarement sur une enquête approfondie, car celle-ci suppose d’acquérir une série de compétences. Cette enquête, qui peut se faire au moyen de wattmètres, fluksos ou quickscans entre autres, permettrait d'identifier tant les usages dont on peut se passer que les sources de pertes.

Les CdE apparaissent dans certains cas comme des déclencheurs de l’enquête sur sa consommation. Ces ménages concernés par la question énergétique s'intéressent à leur consommation, ils cherchent à consommer moins ou mieux, ils explorent la synchronisation de leur consommation et de leur production quand ils en ont. Certains d'entre eux désirent visualiser leurs consommations (et production) car ils estiment que c'est là un moyen de comprendre leurs actions électriques à domicile.

La question d’atteindre une plus grande sobriété énergétique a été envisagée dès le départ à l’Échappée et constitue leur première expérimentation collective à savoir la mise en place d’un effort pour réduire durant un mois les consommations d’électricité au sein de chacun des lots. Nous constatons que cette opération de réduction des consommations a provoqué un intérêt assez inégal au sein des participants. Pour certains participants, le défi de baisser la consommation n’est pas très utile car on sait à l’avance qu’il y a plein d’appareils sur lesquels on ne peut pas agir, dont on ne peut pas déplacer l’usage. À l’inverse, pour d’autres, ce défi est intéressant, car il permet de mieux prendre conscience de ce qu’ils consomment et d’avoir un impact en réduisant l’usage de certains appareils électriques.

Dans certaines CdE (Pilone, Volta), beaucoup d’habitants du quartier sous-utilisent l’énergie et ont des profils de faible consommation, même si leurs équipement et logement ne sont pas toujours efficaces énergétiquement. Ils sont dans ce qu’on appelle la « précarité énergétique cachée ». D’autres sont en précarité énergétique dans la mesure où ils dépensent une part trop importante de leur moyens limités aux coûts énergétiques. Il n’est donc pas justifiable de mener des expériences de « sobriété » avec ces ménages. Par contre, pour Pilone, la perspective de pouvoir redistribuer une production électrique locale augmentée, incite à inclure ces personnes dans des démarches accompagnées (par des professionnels dans le domaine à travers le projet GECS) d'optimiser leurs consommations (scan du logement par Homegrade/Cafa, évaluation de leur électroménager, ateliers "trucs et astuces" par Eco&Co, achats groupés d'appareils peu énergivores,...) sans pour autant les stigmatiser. Les chiffres obtenus pour le quartier Midi2 démontrent qu'en général il est encore possible d'optimiser son utilisation d'électricité. 

En ce qui concerne l'Institut Sainte-Anne, la sobriété des usages était prévue dès l'entame du projet dans l'accompagnement qui allait être fait des élèves. A travers des animations qui auraient été données à deux classes relais (ou plus), l'ensemble de la communauté scolaire aurait dû être sensibilisée à la thématique de l'énergie et l'importance de la sobriété, y compris lorsqu'on produit soi-même de l'électricité – en excédent de surcroît – avec le soleil. Mais la Covid est venue perturber complètement ces plans.

Au Coin du Balai, la sobriété ne se pose pas d’un point de vue pratique. Les personnes impliquées pour l’instant n’ont pas de souci pratique, et estiment avoir déjà fait ce qu’elles peuvent pour réduire leur consommation. Ils estiment que ce sont avant tout les ménages précarisés dans le quartier qu’il faudrait aider.

De manière générale, on constate que le partage d'énergie constitue un moyen de susciter la réflexion, voire l'action chez les membres des CdE pour qu'ils soient plus "sobres" dans leur consommation. Une autre motivation de moins consommer au niveau individuel réside dans la volonté d'augmenter le volume d'électricité à partager.

1 https://wiki.voisinsenergie.agorakit.org/books/brouillon-reponses-aux-questions-de-recherche/page/comment-la-flexibilite-des-usages-est-elle-envisagee-dans-la-cde-aux-niveaux-collectif-et-individuel

2 https://wiki.voisinsenergie.agorakit.org/books/brouillon-reponses-aux-questions-de-recherche/page/comment-la-sobriete-des-usages-est-elle-envisagee-dans-la-cde-aux-niveaux-collectif-et-individuel