Pilone : premiers résultats des simulations & réflexions

Résultats des simulations d’une Auto-Consommation Collective

Parmi plusieurs pistes de fonctionnement explorées pour la communauté, une première proposition récurrente est un projet d’autoconsommation collective. Cette piste impliquerait que certaines « prosumeurs » du quartier puissent vendre ou céder leur surplus d’énergie à une communauté (personne morale organisatrice), qui redistribuerait l’énergie produite aux membres de sa communauté.

Différents scenarios de fonctionnement de cette communauté ont donc été simulés sur base des questions, remarques et objectifs de notre groupe dans le quartier.
L’objectif étant de se former une idée de l’impact de certaines décisions sur le fonctionnement et l’équilibre dans la communauté d’énergie, un facteur important dans la motivation des membres.

Dans ces premières simulations de redistribution d’énergie au sein de la communauté, nous intégrons pour l’instant deux objectifs:

  • Pour les prosumeurs (des personnes ou instances qui sont propriétaire de, ou gèrent une installation PV) l’objectif est de minimiser l’énergie réinjectée sur le réseau (donc le volume restant après la distribution dans la communauté). Nous assumons en effet qu’il y a un intérêt, autant financier que social, à une auto-consommation (personnelle, mais surtout collective) élevée. Nous voulons garder l’énergie produite (une ressource et un potentiel revenu pour le quartier) localement et éviter de devoir la renvoyer sur le réseau.
  • Pour les usagers purs (sans installations PV), notre objectif est qu’ils puissent maximiser la partie de leur consommation venant de la CdE, et donc minimiser leur consommation réseau classique. On assume donc que l’énergie consommée de la CdE est avantageuse pour les usagers.

Ces deux objectifs sont toujours représentés en % de la consommation ou la production totale du membre, afin de pouvoir comparer des grands et petits prosumeurs (et pour la lisibilité des graphiques).
Ces deux proxys sont utilisés car on ne connait pas les véritables coûts à ce stade du projet, et on n’est pas (encore) en mesure de chiffrer d’autres motivations.

Limitations de ces simulations

Les simulations décrites dans cette section sont souvent faites sur base de données incomplètes, et sont donc sujettes à incertitude. Ces simulations sont donc utilisées afin d’illustrer et découvrir des risques potentiels (autant sociaux que pour le fonctionnement de la CdE) (voir certains risque identifiés dans le Schéma du chapitre III). Elles montrent aussi des comportements, et aspects à surveiller afin d’éviter/mitiger ces risques, et propose des pistes pour des solutions possibles. En ce moment l’ACC décrite ci-dessous (voir section 0) est utilisée afin d’illustrer les risques, questionnements, inquiétudes, … et de tester des idées, suggestions et solutions.
Une fois qu’une ACC concrète aura été identifié et/ou mise en route, ces simulations peuvent être répétées en utilisant les données précises de l’ACC, et de tester des scenarios d’évolution de cette ACC.

La base : Le potentiel de production dans le Quartier Midi

Une première question quand on parle du partage/redistribution/revente d’énergie au profit du quartier est, qu’est-ce qu’on peut partager ? Quel est la taille du gâteau ? Et comment ce volume d’énergie à partager se situe par rapport à l’usage/la consommation totale du quartier ? Premièrement, on estime la consommation totale du quartier, sur base des données de consommation réelle au niveau des cabines basse tension (CBT) de Sibelga. Ces données sont montrées ci-dessous.

 

Consommation [kWh/an]

Quartier

Non-résidentielle

Résidentielle

Total

Pilone

32 769 458

8 511 811

41 281 270

Le potentiel de production est estimé sur base de la carte solaire de Bruxelles-Environnement, et est montré ci-dessous.

 

 

Comparaison avec la consommation [%]

%

Production
PV [kWh/an]

Non-résidentielle

Résidentielle

Total

25

3 285 458

10.03

38.60

7.96

50

6 570 915

20.05

77.20

15.92

75

9 856 373

30.08

115.80

23.88

100

13 141 830

40.10

154.40

31.83

Dans ce tableau, on montre la production dans le cas où 25 à 100% du potentiel du quartier est installé et devient membre de la communauté d’énergie. On peut observer que l’équivalent 8 à 32 % de la consommation annuelle peut être produit dans le quartier, et que la production potentielle excède même la consommation résidentielle du quartier.

Alors que le potentiel de production du quartier parait donc important, pourrait-on donc redistribuer toute cette production aux usagers dans le quartier ? L’électricité a cette particularité que la consommation et la production doivent être en équilibre à chaque moment et elle ne peut donc pas être transmise dans le temps (sauf par batterie et autres systèmes de stockage). Est-ce que cela est le cas dans le quartier ? Ou est-ce qu’on aurait toujours des moments de surplus et de manque ? Si cet équilibre parfait n’existe pas, combien d’énergie serait réinjecté dans le réseau ? Quelle est la consommation du réseau classique restante ?

Afin de répondre à ces questions il faut étudier comment la production et la consommation dans le quartier sont distribuées dans le temps. Afin d’estimer le profile de production, on crée un profil de production synthétique sur base des profils de production en Belgique, observé par Elia. Pour la consommation, on la divise en résidentielle et non résidentielle (‘S11’ selon les SLP de Synergrid), comme indiqué dans les tableaux.

L’usage d’électricité résidentielle est encore une fois divisé en deux profils, un profil avec un usage élevé en journée (‘S21’ selon les profiles Synergrid), et avec un usage surtout en soirée (‘S22’). La division des usagers résidentiels est faite, dans le cadre de ces simulations et prévisions, sur base de l’âge de la population du quartier (on estime que des personnes dans le groupe d’âge 65+ ont un profil qui consomme plutôt en journée), et la situation professionnelle (on estime que les personnes à la recherche d’un emploi sont plus souvent menées à consommer en journée). Ceci est fait sur base des statistiques de l’institut Bruxellois de statistique et d’analyse (BISA)[1], pour les quartiers en question (Angleterre, Betlehem, Danemark et Fontainas).

L’exemple de la CdE Pilone dans l’ilot Vlogaerts

Afin d’étudier l’effet des profils d’usage sur le volume d’énergie partagé, nous avons décrit dans le chapitre II comment nous avons choisi de focaliser nos simulations sur un îlot précis dans le quartier, choisi pour son mix d’usagers de différents profils et contexte, et pour ses installations de PV existantes. L’îlot Vlogaert contient autant des commerces que des bâtiments communaux et sociaux. Le contexte social est très mixe. L’îlot, avec ces installations existantes, est montré ci-dessous.

Les caractéristiques de ces installations PV sont montrées dans le tableau ci-dessous. Les informations concernant les trois premiers sont des données mesurées, l’information concernant l’installation rue Joseph Claes est estimée en utilisant la carte solaire.

 

Exploitant

Puissance

[kWc]

Production estimée
[kWh/an]

Vlogaerts

Foyer Saint Gillois

39.20

36 362

Rif Market

AIS

15.00

17 927

Promotion sociale

Commune

22.00

19 800

Joseph Claes 88

particulier

3.20

2 645

Les bâtiments « Vlogaerts » est une barre de logements sociaux. Le Rif Market comprend un supermarché et des appartements appartenant à l’agence immobilière sociale. Le bâtiment « promotion sociale » est un bâtiment communal, et la maison rue Joseph Claes appartient à un particulier.

Dans ces simulations, une situation référence pour l’auto-consommation collective, composé de 70 usagers résidentiels et 4 usagers non-résidentiels en plus des installations PV mentionnés ci-dessus est considéré. Dans cette simulation 20% des usagers résidentiels suit un profil de journée, avec une consommation moyenne de 2036 kWh/an (la moyenne Bruxelloise), la consommation des usagers non-résidentiels est estimée à 6166 kWh/an, sur base de la consommation non-résidentielle par compteur de la CBT dans cet ilot (en bleu foncé sur la carte).

Dans ce cas-ci, on voit (logiquement) une réduction de l’énergie injectée comparé à la situation individuelle, et donc une incitation claire de rejoindre l’ACC et la CdE (en termes des objectifs formulés).

En ce qui concerne les usagers, le bénéfice de participer, en termes des objectifs (recevoir de l’électricité de la communauté) et des hypothèses (L’électricité venant de la communauté est avantageux) formulés est clairement montré dans les résultats de simulations aussi (voir ci-dessous). Dans ce graphique RES signifie résidentiel, BUS (=business) signifie non-résidentiel.

L’effet du nombre de membres connectés

Une autre question concernant cette auto-consommation collective, est : « Quel est le nombre de membres qui peuvent être couvert par (ou du moins profiter de) la production de ces membres ? »

Vu que l’objectif est d’arriver à une communauté d’énergie ouverte, comment l’ajout ou le retrait de membres impactent-ils les bénéfices (en termes des objectifs formulés) des autres membres ? Ceci est un premier pas vers une réponse à la question : « Quel serait un rapport production consommation idéal dans le quartier ? »

Pour les prosumeurs, il est clair que, certainement au démarrage de cette auto-consommation collective (quand il y a donc un nombre limité) de membres, le volume d’énergie injecté diminue avec une augmentation des membres de l’ACC (voir ci-dessous), On peut donc estimer qu’en général, les prosumeurs bénéficient d’un nombre de membres augmentant.

Avec une croissance du nombre d’usagers on s’attend à atteindre un plateau, ou l’on arrive à un niveau minimum d’injection. Ce niveau minimum peut être diminué en décalant la consommation, cela peut se faire en ajoutant des usagers complémentaires, ou en adaptant le comportement des usagers existants.

En revanche, les usagers purs voient leur part du gâteau diminuer, avec un nombre de membres augmentant (voir figure ci-dessous). On pourrait donc arriver à une situation où les intérêts individuels de différents membres prosumeurs et usagers sont contradictoire. Un équilibre doit donc être trouvé entre le volume de production et de consommation. Ce constat révèle aussi la nécessitié de mettre en avant des gains collectifs plutôt qu’individuels.

On peut faire une réflexion similaire pour l’ajout des prosumeurs à l’ACC, qui serait avantageux pour les usagers purs, mais pas nécessairement pour les usagers.

Les habitations groupées et copropriétés : un système Poupées Russes

L’équilibre à trouver entre volumes de production et de consommation pourrait être influencé par les préférences de certains membres de l’ACC. Par exemple, un habitat groupé pourrait faire une installation collective de panneaux PV, et pourrait donc demander/exiger que les membres de cet habitat groupé aient une priorité concernant l’énergie produite par leur installation.

 Une question/demande similaire nous est venue du gestionnaire du bâtiment RIF Market ou des appartements sont loués à une agence immobilière sociale, équipé d’une installation PV, alimentant les communs. Ce gestionnaire demandait une priorité pour les habitants du bâtiment.

On peut s’imaginer que, en plus des cas de figure décrit ci-dessus, des copropriétés pourraient se trouver dans une même situation. Pour cette raison, on a étudié la possibilité d’une ACC ‘poupées russes’, càd un projet d’ACC « coupole », au niveau du quartier qui regroupe plusieurs petits projets d’ACC interne. Cela donne aux projets d’ACC internes une priorité à l’énergie produite dans cette ACC. En revanche en termes de l’ACC plus large (Pilone dans ce cas-ci) l’ACC est vu comme un membre unique. L’ACC interne ne bénéficiera donc que d’une seule part d’énergie attribuée, à diviser entre tous ses membres. Cela est fait afin de réduire le déséquilibre entre des membres individuels et des membres d’un ACC interne.

Cette situation a été simulée, en s’appliquant sur l’ilot Vlogaerts, où l’on considère 20 usagers résidentiels prioritisés, et le bâtiment dit Riff Market, où l’on considère 20 usagers résidentiels prioritisés et un usager non-résidentiel, 30 usagers résidentiels et 3 usagers non-résidentiels feront donc toujours partie de l’ACC Pilone globale.

Dans les résultats (voir ci-dessous) on peut observer que les usagers dans une ACC interne ne sont pas nécessairement avantagés par ce statut de priorité. On peut observer que, dans le cas où l’installation de PV est branché sur une consommation importante (les communs du bâtiment Vlogaerts dans cet exemple), les usagers ont une part de consommation venant de la CdE plus petite, que dans le cas de référence. Par contre dans le cas de l’ACC interne dit Rif Market, l’avantage de ce statut prioritaire est clair. Les usagers qui sont simplement membre de l’ACC globale voient une légère diminution de leur part de consommation venant de la CdE, cela est expliqué par le fait qu’ils ont un statut moins avantageux pour 2 grandes sources (Vlogaerts et Rif Market), mais qu’ils ont quand même toujours accès à la source de la Promotion Sociale et d’un particulier.

!

Ces simulations chiffrées sont faites pour identifier des possibles impacts des certains choix, et des comportements qu’il faut surveiller. Par exemple dans le cas du bâtiment Vlogaerts, le chiffre exact de la consommation des communs n’était pas connue, elle a donc été estimé en soustrayant la consommation de 103 ménages moyen (le nombre d’appartements dans le bâtiment, donc 103*2036 kWh/an). Il est possible que la consommation de ces ménages est au-dessus de la moyenne Bruxelloise, et que la consommation de communs soit donc surestimée.

Quel rôle pour les bâtiments communaux ?

Une autre inquiétude, venant de la commune cette fois-ci, concerne la question du rôle d’une installation PV gérée par la commune. Est-ce que l’administration communale peut se permettre d’avantager certains de ces riverains (les membres de la communauté d’énergie) en leur livrant de l’électricité moins chère ?

Afin d’adresser cette inquiétude, différentes pistes sont explorées :

  • Donner des personnes en précarité énergétique priorité quand de l’énergie d’une installation communale est distribué (une ACC interne virtuelle).
  • Distribuer l’énergie d’une installation communale en priorité à des associations caritatives.
  • Distribuer l’énergie d’une installation communale en priorité à d’autres bâtiments communales ou publiques.

Discussion : quel impact financier pour les participants?

Une des grandes questions identifiées dans nos « Thèmes et Questionnements » (chapitre III) était : comment motiver des personnes à contribuer à la communauté d’une part? Et comment motiver le quartier à augmenter sa production (au-delà de leur consommation personnelle) et de la convaincre à maximiser son surplus pour le mettre en commun ? Dans le cadre d’une ACC réelle, l’impact sur la facture de l’électricité sera, bien évidemment, un aspect essentiel. Dans le cadre des simulations les hypothèses suivantes ont été faites :

  • Pour les prosumeurs, il est plus intéressant de vendre leur surplus à l’ACC que de le réinjecter dans le réseau.
  • Pour les usagers purs, il est plus intéressant d’acheter son énergie dans l’ACC que d’un fournisseur classique.

La structure et le montant de la facture de l’électricité est bien plus complexe que ce simple prix d’énergie, et beaucoup d’aspects de ce prix total restent à être déterminés pour la communauté d’énergie Pilone (raison pour lesquels nous avons focalisé les résultats sur des %, plutôt que des montants en que des montants en €). Dans cette section nous voulons quand même mettre quelques aspects en avant qui auront un impact sur la discussion concernant la facture d’électricité à l’intérieur de la CdE/ACC.

La situation où l’on donne priorité à 10 usagers quand on distribue l’énergie de l’installation communale (promotion sociale dans le cas décrit dans ce rapport) est simulé et les résultats sont montrés ci-dessous. On peut observer que cette situation n’affecte pas les membres d’une ACC interne (Vlogaerts et Rif Market), mais qu’elle affecte surtout les membres de l’ACC globale. Les 10 usagers qui ont reçu le statut prioritaire voient leur partie de consommation venant de l’ACC augmenter, tandis que celle des membres non-prioritaire diminue.

Dans le cas où l’énergie de l’installation communale (promotion sociale dans le cas décrit dans ce rapport) est distribuée en priorité à une association caritative, on observe que les membres non-prioritaire voient toujours une diminution de la partie de leur consommation venant de l’ACC, mais légèrement moins importante que dans le cas précédent.

Le gridfee de Sibelga

Une ACC utilise le réseau de distribution, géré par Sibelga à Bruxelles, et devrait donc logiquement rémunérer Sibelga pour leurs services. Dans le cadre de la dérogation qui doit être obtenue de Brugel (le régulateur du marché d’électricité à Bruxelles), ces frais de distribution (gridfee) sont à discuter, mais Sibelga a publié une proposition de prix qu’elle estime réaliste à moyen-terme. Ce sont ces prix-là qui sont utilisés dans la réflexion ci-dessous.

Dans cette proposition, on se focalise sur la partie pour des usagers résidentiels (capacité de connexion inférieure à 56 kVA). Elle distingue trois types des membres de la communauté :

  • A : dans un même bâtiment
  • B : sous une même cabine réseau (mais pas dans un même bâtiment)
  • C : sous un même point de fourniture d’Elia (mais pas sous la même cabine réseau)

La différence entre ces trois types de membre se trouve dans le pourcentage de réduction sur le tarif d’utilisation du réseau.

Dans cette section on compare le gridfee (suivant la proposition Sibelga), de la situation de référence, et la situation ‘Poupées Russes’. Comment ce gridfee est redistribué aux membres est le sujet d’une autre discussion. Ici le gridfee de la communauté en entier est comparé. Dans cette première évaluation, on considère que les ACC interne (Vlogaerts et Rif Market) sont des ACC de type A, tandis que l’ACC Pilone globale est considéré comme type B. Le tarif mono-horaire (TH ou total hours) est considérée.

Dans ce cas-ci le gridfee, pour la communauté en entier est légèrement plus bas dans le cas du système poupées russes (voir ci-dessous), cela peut donc être un paramètre à tenir en compte lors du choix de la structure et de la clef de répartition.

 

Référence

Poupées Russes

Gridfee [€/an]

1 805.67

1 589.77

Gridfee [€/kWh]

0.0700

0.0615

Les couts de fonctionnement de la communauté d’énergie

Un autre aspect à tenir en compte lors des discussions sont les couts de fonctionnement d la communauté, et les objectifs. Quelques questions qui se posent :

  • Est-ce que la CdE veut facturer ses frais administratifs à travers les factures d’énergie dans l’ACC ?
  • Est-ce que la CdE veut financer un fond d’investissement (en partie) à travers les factures d’énergie dans l’ACC ?
  • Est-ce que les prix d’achat d’énergie sont les mêmes pour tous les types de prosumeurs (grosses vs petites installations, particulier vs services publiques vs commercial ,…)
  • Quels sont les autres obligations légales de la CdE (taxes,…) qui doivent être inclues dans les tarifs ?

 

[1] https://bisa.brussels/