Quels chocs et tensions possibles pour le système électrique bruxellois ?

La Région de Bruxelles-Capitale (RBC) est dépendante d’un système électrique de plus en plus complexe [voir article "comment fonctionne un réseau électrique ?"] qui est sous la menace de nombreux risques de natures différentes. Des événements les plus inattendus (chocs soudains) aux évolutions négatives (tensions progressives), voici une liste des risques possibles du système énergétique de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) :

  •  Interruption de la distribution d’électricité, appelé généralement "blackout" : 

Un blackout peut se passer à différentes échelles, qui vont d’une portion du continent (via le réseau de transport) à un quartier (cabine basse tension défaillante). Leurs causes sont multiples : 

    • déséquilibre sur le réseau, dû soit à des pics de consommation (production<demande), soit à une production d'électricité d'origine renouvelable trop abondante durant les heures très venteuses et/ou ensoleillées (production>demande) ; équipements vieillissants et défaillants ;
    • réserve de puissance inadéquate ;
    • accident sur le réseau de transport ;
    • cabines de transformation de puissance en panne ;
    • événement météorologique ou accident qui abîme les infrastructures, comme ce fût le cas au Texas durant la vague de froid de février 2021 ;
    • terrorisme (le réseau est relativement fragile contre une attaque concertée en trois points stratégiques) ;
    • cyberattaques (elles sont déjà fréquentes au niveau du réseau de transport qui est pleinement digitalisé)…
    • Événements étrangers au système énergétique : conflit international, décision politique d’un pays producteur de gaz ou de pétrole, événement climatique majeur (sécheresse, inondation), éruptions solaires… Le risque d'incident sur le réseau n'est pas nul comme l'a montré l'incident du 8 janvier 2021. (Voir aussi l'analyse de ENTSOE, réseau européen des gestionnaire des réseaux de transport de l'électricité). 
  • Délestage

Il est organisé par l’opérateur du réseau de transport de l’électricité (Elia) en cas de manque de production sur le territoire belge. Ce risque est limité pour l’instant pour Bruxelles (considérée comme vitale pour l’économie). Mais en cas de délestage dans les autres régions du pays, ne serait-il pas normal que les habitants de la Région participent à l’effort de diminution de la consommation à l’heure de pointe ?

  • L’augmentation de la consommation d’électricité

Sibelga (le gestionnaire de réseau de distribution en RBC) prévoit que le nombre de véhicules électriques va croître considérablement dans les prochaines années. L’introduction de pompes à chaleur est vu comme une alternative au chauffage par combustion, mais elle entraînerait une augmentation conséquente de la consommation d’électricité. Des vagues de chaleur pourraient pousser des ménages, des entreprises et des administrations à s’équiper de climatiseurs. A l'instar du point ci-dessus, cette tension sur le réseau électrique peut être anticipée.

  • Évolution chaotique des marchés de l'électricité :

Cette évolution prendrait la forme d'une augmentation des prix de l’énergie ou volatilité croissante des prix de l’électricité [voir article Définition du prix de l'électricité].

  • Incertitudes concernant l'évolution des politiques énergétiques

Vont-elles être socialement justes ? A cet égard, on peut pointer la possible évolution vers des tarifs d’utilisation du réseau plus élevés durant les heures, où il y a peu de production d'électricité renouvelable disponible et moins élevés, lorsque la production d'électricité d'origine renouvelable est abondante. A moins que des mesure compensatoires soient mise en place, cela présente un risque pour les consommateurs qui n'auront pas les moyens d'adapter leur consommation à cette production intermittente en  diminuant leur consommation durant les heures où les tarifs d'utilisation du réseau est plus cher, avec comme conséquence une augmentation de leur facture d'électricité.  Par ailleurs, il n'est pas sûr que ces politiques nous permettent d'atteindre les objectifs climatiques, ni qu'elles seront soutenables pour tou·te·s, humains et non humains compris.

  • Le retrait progressif du soutien politique aux énergies renouvelables

Il ralentirait le développement de ces énergies et rendrait encore plus difficile leur accès aux plus démunis – du moins si les subsides diminuent plus vite que la baisse des coûts d'installation des sources renouvelables, ce qui n'est pas le cas pour l'instant puisque les politiques de soutien bruxelloises sont basées sur une durée de retour sur investissement fixe. 

  • Prix négatifs

Des périodes de baisse de la consommation combinée à une production d'électricité renouvelable abondante (c'est ce qui s'est produit durant le confinement du printemps 2020). Ces périodes sont propices à ce que le prix de vente de l'électricité devienne négatif pour les producteurs (autrement dit, les propriétaires de centrales électriques doivent payer pour produire de l’électricité) avec pour conséquence une mise à l'arrêt volontaire de centrale de production électricité renouvelable (surtout éolienne) pour faire remonter les prix. En effet, cela coûte beaucoup plus cher de mettre à l'arrêt et de redémarrer des centrales électriques nucléaires ou au gaz, c'est donc la production renouvelable qui pâtit en premier de ces situations.

Par ailleurs, ces chocs et tensions peuvent produire des effets cascades, des "contagions" à d'autres systèmes tels que les télécommunications et la distribution de gaz. Aujourd'hui nos modes de vie dépendent de plus en plus de systèmes intriqués et fragiles [voir article résilience du système électrique].

Pour en savoir plus : Conférence de Grégoire Chambaz du 16/05/2019.